Zauber

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Kiefer, Pedraza, Beuys, Poutin

J’entame un article sur le peintre allemand Anselm Kiefer, sur qui j’ai déjà et souvent écrit, suite cette fois à son exposition au Grand Palais Éphémère à Paris (littéralement un Grand Palais démontable !), et à l’annonce récente de la publication d’une « évaluation critique » de son œuvre par le philosophe et critique Éric Valentin. Cette courte chronique tient lieu de promesse et préface. J’attends de lire le livre d’Éric Valentin avant de me lancer à nouveau dans des réflexions de fond sur Kiefer. Je découvre aussi que Valentin a écrit un autre livre, un peu plus ancien (et qui semble nettement plus élogieux), sur Joseph Beuys, qui fut l’un des professeurs de Kiefer (qui, lui, a pratiquement le même âge que moi…) Beuys eut un énorme impact sur mes études de Beaux Arts (trois années, dont 1968, à la Chelsea School of Art, à Londres.) Il fut l’un des « rois mages » de mon éducation artistique, avec Carlos Castaneda, Bob Dylan et aussi Gilbert and George.

Voici l’annonce du livre d’Eric Valentin aux Editions Harmattan : Anselm Kiefer / Une Évaluation Critique.

« Dans cet ouvrage, le talent de Kiefer n’est pas en cause. Il convient cependant d’évaluer ses œuvres, son interprétation du nazisme, son esthétique, ses choix religieux et de questionner sa fascination pour la mort. L’un de ses mérites est d’avoir interrogé l’histoire de la culture allemande et son implication le nazisme. L’importance de la poésie de Celan et Bachmann dans ses tableaux le conduit à relayer la mémoire de la Shoah. Toutefois, Kiefer est un postmoderne réactionnaire, hostile aux avant-gardes et à la modernité des Lumières. Il réhabilite un art religieux. Sa religiosité néo-romantique n’en fait pas un mystique. Elle est conservatrice, amorale et apolitique. Sa traduction de la kabbale juive est anthropomorphe et dénature la transcendance du Dieu caché juif. Sa conception de l’art, originale, est mystificatrice. Les aspects macabres de son œuvre font signe vers une secrète glorification de la mort. »

La critique est forte, et même très forte. Je suis allé voir l’exposition de Kiefer en compagnie de Linda Wise, lors de l’un des rares interludes que lui permettait son traitement en chimiothérapie. La confrontation avec Kiefer ne fut donc pas à la légère, et je concorde avec elle (aujourd’hui, et après cette visite) sur certains points mentionnés par Valentin, en termes de: « Que peut Kiefer nous offrir à présent, maintenant qu’il a atteint cette maxi-renommée et maxi-monumentalité (funéraire ?), avec le retour en boucle sur les mêmes icônes et les mêmes thématiques auxquelles Valentin fait allusion? » Si ses tableaux sont les plus monumentaux que j’aie vus (certainement par leur taille), ils sont à l’échelle du génie pictural et artisanal de Kiefer, et de la tâche qu’il se donne mytho-poétiquement parlant. Je demeure donc sur mes gardes sur ce qu’écrit Valentin dans son annonce, surtout lorsqu’il écrit que « Kiefer est un postmoderne réactionnaire, hostile aux avant-gardes et à la modernité des Lumières ». Que dirait-il de la mouvance de réhabilitation de la magie (« contre Levi-Strauss ») chez Xavier Papaïs, ou de ma sympathie envers le statut anthropologique de la superstition, notamment dans les avant-gardes performatives contemporaines ?

Je pense aussi au livre de Rafael Lopez-Pedraza, 1996 : Anselm Kiefer : The Psychology of « After the Catastrophe », livre que je dois relire, et que j’ai qualifié à l’époque comme étant peut-être le plus « sérieux » que j’aie lu – et justement parce qu’il aborde, lui aussi et frontalement, les thèmes critiques que Valentin énumère. Lopez-Pedraza a écrit l’un des livres fondateurs de Panthéâtre : Hermès et ses Enfants (Dans la Psychothérapie – sous-titre ajouté dans la traduction française.) Je l’ai bien connu ; il est venu voir et discuter mon travail à Malérargues (dans le Gard) en 1983 ; il faisait une halte en route vers Jérusalem pour le 9e Congrès International de Psychologie Analytique. Lopez-Pedraza était donc un psychothérapeute junguien, et, si l’on prend en compte le fait que C.G. Jung a été taxé d’antisémitisme, surtout en France, se congréer à Jérusalem était une forte gageure pour les junguiens. La conférence de Lopez-Pedraza a porté sur l’archétype de La Vierge, et sur la confrontation entre la virginité raciale hitlérienne et la virginité socio-culturelle juive. Il était cubain et arborait haut et fort son métissage baroque. A relire aussi, l’essai de Carl Jung qui s’intitule, en fait, « After the Catastrophe », auquel Lopez-Pedraza se réfère dans le titre de son livre sur Kiefer.

L’autre livre à revisiter est Les Trois Corbeaux / Ou la Science du Mal dans les Comptes Merveilleux, Éditions Imago, 2010, par Anne Griève, une collaboratrice assidue et intense de Panthéâtre, suite à la publication de son livre. J’ai qualifié Anna Griève de professeur de dramaturgie éthique. Elle nous a malheureusement quitté en février 2021. Elle aussi était « junguienne », mais elle fait la critique peut-être la plus perspicace du jugement porté par le jeune Jung sur Hitler : que sa thérapie pouvait être capable de transformer Hitler. Déni total d’Anna Griève dans la conclusion de son livre : le Mal Radical n’est pas transformable.

Et j’ai bien peur qu’à présent nous avons à faire à une figure similaire chez Vladimir Poutin – et qu’il faille, là aussi, lutter de façon « radicale » contre lui.

EP. Paris, le 9 mars 2022.

Note 1 : Deux livres m’ont, pour ainsi dire, donné la permission d’entreprendre un spectacle sur Hitler en 2013. Götz Aly, L’Utopie Nazie : Comment Hitler a acheté les Allemands : Le III Reich, une dictature au service du peuple. Et le livre d’Anna Griève.

Note 2 : J’étais retourné à la peinture à cette époque. Ci-joints, deux tableaux incorporant des photos prises par le photographe Richard Bruston. Lui et le pianiste Pierre-François Blanchard m’accompagnaient sur scène. Les deux tableaux ont pour titre « Les Trésors d’Ukraine », référence à la façon dont les armées de Hitler ont saccagé l’Ukraine…

Voir : vidéo de Hitler, Une étude performance. Enrique Pardo, 2013.

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Kiefer, Pedraza, Beuys, Putin

J’entame un article sur le peintre allemand Anselm Kiefer, sur qui j’ai déjà et souvent écrit, suite cette fois à son exposition au Grand Palais Éphémère à Paris (littéralement un Grand Palais démontable !), et à l’annonce récente de la publication d’une « évaluation critique » de son œuvre par le philosophe et critique Éric Valentin. Cette courte chronique tient lieu de promesse et préface. J’attends de lire le livre d’Éric Valentin avant de me lancer à nouveau dans des réflexions de fond sur Kiefer. Je découvre aussi que Valentin a écrit un autre livre, un peu plus ancien (et qui semble nettement plus élogieux), sur Joseph Beuys, qui fut l’un des professeurs de Kiefer (qui, lui, a pratiquement le même âge que moi…) Beuys eut un énorme impact sur mes études de Beaux Arts (trois années, dont 1968, à la Chelsea School of Art, à Londres.) Il fut l’un des « rois mages » de mon éducation artistique, avec Carlos Castaneda, Bob Dylan et aussi Gilbert and George.

Voici l’annonce du livre d’Eric Valentin aux Editions Harmattan : Anselm Kiefer / Une Évaluation Critique.

La critique est forte, et même très forte. Je suis allé voir l’exposition de Kiefer en compagnie de Linda Wise, lors de l’un des rares interludes que lui permettait son traitement en chimiothérapie. La confrontation avec Kiefer ne fut donc pas à la légère, et je concorde avec elle (aujourd’hui, et après cette visite) sur certains points mentionnés par Valentin, en termes de: « Que peut Kiefer nous offrir à présent, maintenant qu’il a atteint cette maxi-renommée et maxi-monumentalité (funéraire ?), avec le retour en boucle sur les mêmes icônes et les mêmes thématiques auxquelles Valentin fait allusion? » Si ses tableaux sont les plus monumentaux que j’aie vu (certainement par leur taille), ils sont à l’échelle du génie pictural et artisanal de Kiefer, et de la tâche qu’il se donne mytho-poétiquement parlant. Je demeure donc sur mes gardes sur ce qu’écrit Valentin dans son annonce, surtout lorsqu’il écrit que « Kiefer est un postmoderne réactionnaire, hostile aux avant-gardes et à la modernité des Lumières ». Que dirait-il de la mouvance de réhabilitation de la magie (« contre Levi-Strauss ») chez Xavier Papaïs, ou de ma sympathie envers le statut anthropologique de la superstition, notamment dans les avant-gardes performatives contemporaines ?

« Dans cet ouvrage, le talent de Kiefer n’est pas en cause. Il convient cependant d’évaluer ses œuvres, son interprétation du nazisme, son esthétique, ses choix religieux et de questionner sa fascination pour la mort. L’un de ses mérites est d’avoir interrogé l’histoire de la culture allemande et son implication le nazisme. L’importance de la poésie de Celan et Bachmann dans ses tableaux le conduit à relayer la mémoire de la Shoah. Toutefois, Kiefer est un postmoderne réactionnaire, hostile aux avant-gardes et à la modernité des Lumières. Il réhabilite un art religieux. Sa religiosité néo-romantique n’en fait pas un mystique. Elle est conservatrice, amorale et apolitique. Sa traduction de la kabbale juive est anthropomorphe et dénature la transcendance du Dieu caché juif. Sa conception de l’art, originale, est mystificatrice. Les aspects macabres de son œuvre font signe vers une secrète glorification de la mort. »

Je pense aussi au livre de Rafael Lopez-Pedraza, 1996 : Anselm Kiefer : The Psychology of « After the Catastrophe », livre que je dois relire, et que j’ai qualifié à l’époque comme étant peut-être le plus « sérieux » que j’aie lu – et justement parce qu’il aborde, lui aussi et frontalement, les thèmes critiques que Valentin énumère. Lopez-Pedraza a écrit l’un des livres fondateurs de Panthéâtre : Hermès et ses Enfants (Dans la Psychothérapie – sous-titre ajouté dans la traduction française.) Je l’ai bien connu ; il est venu voir et discuter mon travail à Malérargues (dans le Gard) en 1983 ; il faisait une halte en route vers Jérusalem pour le 9e Congrès International de Psychologie Analytique. Lopez-Pedraza était donc un psychothérapeute junguien, et, si l’on prend en compte le fait que C.G. Jung a été taxé d’antisémitisme, surtout en France, se congréer à Jérusalem était une forte gageure pour les junguiens. La conférence de Lopez-Pedraza a porté sur l’archétype de La Vierge, et sur la confrontation entre la virginité raciale hitlérienne et la virginité socio-culturelle juive. Il était cubain et arborait haut et fort son métissage baroque. A relire aussi, l’essai de Carl Jung qui s’intitule, en fait, « After the Catastrophe », auquel Lopez-Pedraza se réfère dans le titre de son livre sur Kiefer.

L’autre livre à revisiter est Les Trois Corbeaux / Ou la Science du Mal dans les Comptes Merveilleux, Éditions Imago, 2010, par Anne Griève, une collaboratrice assidue et intense de Panthéâtre, suite à la publication de son livre. J’ai qualifié Anna Griève de professeur de dramaturgie éthique. Elle nous a malheureusement quitté en février 2021. Elle aussi était « junguienne », mais elle fait la critique peut-être la plus perspicace du jugement porté par le jeune Jung sur Hitler : que sa thérapie pouvait être capable de transformer Hitler. Déni total d’Anna Griève dans la conclusion de son livre : le Mal Radical n’est pas transformable.

Et j’ai bien peur qu’à présent nous avons à faire à une figure similaire chez Vladimir Poutin – et qu’il faille, là aussi, lutter de façon « radicale » contre lui.

EP. Paris, le 9 mars 2022.

Note 1 : Deux livres m’ont, pour ainsi dire, donné la permission d’entreprendre un spectacle sur Hitler en 2013. Götz Aly, L’Utopie Nazie : Comment Hitler a acheté les Allemands : Le III Reich, une dictature au service du peuple. Et le livre d’Anna Griève.

Note 2 : J’étais retourné à la peinture à cette époque. Ci-joints, deux tableaux incorporant des photos prises par le photographe Richard Bruston. Lui et le pianiste Pierre-François Blanchard m’accompagnaient sur scène. Les deux tableaux ont pour titre « Les Trésors d’Ukraine », référence à la façon dont les armées de Hitler ont saccagé l’Ukraine…

Voir : vidéo de Hitler, Une étude performance. Enrique Pardo, 2013.

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Liddell / Castellucci

Liddell / Castellucci : Un Catafalque Avide

Angélica Liddell, Una costilla sobre la mesa - Padre.
Théâtre de la Colline, Paris, 7 février 2020

Ver versión original ESPAÑOL

Il y a un an, presque jour pour jour, j’ai écrit un article sur Angelica Liddell, dont le titre était Angélica, Atroz, Indispensable, et dans lequel j’analyse et approfondis les deux qualificatifs, atroce et indispensable, et surtout : Pourquoi est-ce que je considère Liddell comme étant « indispensable / pensable » ? J’ai aussi dit que je ne pouvais voir un de ses spectacles que tous les deux ans. Eh bien non : au bout d’un an, elle présentait une nouvelle pièce à Paris et j’y suis allé. J’avais déjà besoin de ma dose de Liddell ! Lire la suite

Liddell / Castellucci es.

Liddell / Castellucci : Un Catafalco Codicioso

Angélica Liddell, Una costilla sobre la mesa - Padre.
Théâtre de la Colline, Paris, 7 de febrero de 2020

Traduction française bientôt.

Hace un año, casi día por día, escribí un articulo sobre Angélica Liddell, cuyo título es Angélica, Atroz, Indispensable, y en el cual analizo y ahondo ambos calificativos, atroz e indispensable, y, sobre todo: ¿Porqué considero que Liddell es, para mi, “indispensable y pensable”? – como lo escribí. También dije que solo podría ir a ver un espectáculo suyo cada dos años. Pues no: vi que presentaba una nueva obra en París y fui a verla después de un año. ¡Ya necesitaba mi dosis de Liddell! Lire la suite

Un sourire philosophique

AKA… KRAKA,  Le Jeu du Protocole

Performance Concert
Écrite et jouée par Anne Ostergaard
Mise en scène par Enrique Pardo
Musique et piano : Frédéric Reynier

Création, le 30 janvier 2020  Théâtre du Tiroir, Laval, Mayenne
Cet article a été précédé d’un autre, décembre 2018, intitulé
Kraka et le Cancer - Fantasmes Artistiques et Contrats Moraux
et fait partie des réflexions sur le thème
SUPERSTITION - Performance Comprise
du Festival Mythe et Théâtre 2020
voir l’EDITORIAL
voir aussi la présentation qu'en fait La Ligue Contre Le Cancer

Anne Ostergaard     AKA… KRAKA

Dans les notes de mise en scène d’Aka… Kraka, j’écris que j’ai dirigé – et surtout affiné – le travail d’actrice d’Anne Ostergaard en base à son sourire. Je me suis rendu compte, lorsque je travaillais avec elle, que je lisais sa présence d’esprit et de ses états d’âme surtout à travers les subtilités et la luminosité, voire l’éclat de ses sourires. Anne a un sourire exceptionnel, direct et rayonnant ; c’est dans sa nature, mais aussi dans la façon qu’elle a de transférer ce sourire naturel sur scène. Le fait qu’elle soit chanteuse lyrique professionnelle y est, sans doute, pour quelque chose. L’acte de chanter, même lorsqu’il s’agit de sujets tristes, sombres, voire désespérés, comporte un optimisme inhérent de par la nature performative même du chant : le fait de chanter effectue une transmutation réflexive, qui peut (doit ?) inclure la part d’ombre humaine. Ce postulat inclusif et « transformatif » était au cœur de la philosophie vocale de Roy Hart, de ce qu’il appelait singing. Lire la suite

Une Grenade Psy

Grenade de et par Véronique Taconet
Mise en scène par Linda Wise

Présenté le 21 juin 2019 à Malérargues, Centre Roy Hart
Dans le cadre du Festival Mythe et Théâtre 2019

Grenade est un bijou théâtral, conçu, écrit et joué par Véronique Taconet, mis en scène par Linda Wise. Je pourrais dire que j’ai ‘adoré’ cette performance, et que j’aurais pu garder égoïstement pour moi le plaisir qu’il m’a procuré. J’ai opté pour partager par écrit mon appréciation à la fois sensuelle et intellectuelle pour ce que j’ai qualifié de «Bijou Psy», et rendre explicite cette appréciation en la mettant notamment en rapport avec l’intérêt que je porte en ce moment envers « Les Politiques de la Spiritualité ». Je cite là le titre d’un article de J. Brent Crosson[1], anthropologue américain, spécialiste de la diaspora africaine dans les Caraïbes – et qui écrit notamment sur le statut politique de ce qu’on appelle la superstition et les spiritualités non-religieuses. S’il s’agit donc, avec Grenade, d’un bijou théâtral, c’est aussi parce qu’il ouvre des perspectives en tant que bijou psy. (Il était aussi, dans sa simplicité, ‘techniquement’ parfait – dans le plus bel esprit d’un Théâtre Pauvre.)

[1] J. Brent Crosson, professeur d’Anthropologie et Religious Studies à l’Université du Texas à Austin. LIEN

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Estampe / Estompe

Mazel b
Musiques des âmes du monde
Concert
Ruth Benarroch
Accompagnée à l’accordéon par Maxime Perrin.
Le 24 août 2019, à Malérargues, Centre Roy Hart.

L’ESTAMPE

Photo archive – Ruth Bennaroch

J’appelle Ruth Bennaroch La Reine Séfarade, et j’ai beaucoup de compliments à lui faire au niveau de ‘l’estampe’. Être une reine séfarade en est déjà un, et de taille ! Une magnifique estampe. Une estampe, techniquement, c’est une impression à partir d’une gravure prototype : un transfert sur papier d’une image gravée sur cuivre – ou sur d’autres supports, comme la lithographie, sur pierre (une forme moins pointue et acide – plus estompée, justement). Par extension, une estampe est aussi une image, prise au sens large d’une figure-type, typée souvent jusqu’à l’allégorie, et généralement à la fine allure – ou riche et fleurie, comme c’est le cas avec Ruth Benarroch. L’art européen de la fin du 19e a connu un engouement particulier pour les images estampes (les Préraphaélites en Angleterre, les Néo-Classiques en France, appelés méchamment Pompiers…) Ruth Benarroch est une estampe incarnée : une reine, et non plus une princesse. Matisse l’aurait prise comme modèle d’odalisque – et Picasso l’aurait suivi de près.

Matisse Odalisque

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Méchant Carton Plein

Le Rêve d’une Danse

Photo Didier Monge

de et par Hélène Larrodé
mise en scène de Linda Wise

Représentation donnée le 9 août
2019, au Centre Roy Hart (Gard)

 

 

 

Prélude

Mon père avait un avocat, non pas véreux, mais venimeux. Et laid. On l’appelait le singe électrique (el mono eléctrico) tant il avait de tics (à la Sarkozy). Par contre, il était toujours impeccablement surhabillé, surparfumé et surgominé. Je pense qu’il était amoureux de ma mère et qu’elle l’avait envoyé promener. C’est une histoire à la Othello (à la Iago, surtout) mais post-mortem, car mon père est mort à quarante-six ans d’une terrible cirrhose – après vingt ans de whisky ! L’avocat s’est débrouillé pour lui faire signer un divorce peu avant sa mort, en plein coma, laissant ma mère sans héritage ni soutien financier. Cet avocat gérait aussi une autre obsession de mon père, (qu’il repose en paix : il est parti trop tôt pour que puisse être son ami…). Son autre obsession, c’était l’évasion fiscale. Les sociétés off-shore (Panama déjà). Ma sœur et moi n’étions pas dupes et traînions les pieds pour aller signer les papiers de l’héritage après sa mort. L’avocat a vite compris pourquoi, bien sûr : ce divorce. Sans un mot, il a fait déposer un énorme tas de cartons devant l’appartement de ma sœur, bloquant le palier, avec tous les dossiers. (Voir le post scriptum, pour une réflexion sur ce prélude.)

J’ai eu aussi un peu l’impression d’avoir déchargé plein de cartons chez Linda Wise, en discutant avec elle sur Le Rêve d’une Danse. Des cartons contenant des dossiers sur la performance donnée la veille à Malérargues. C’était la quatrième version que je voyais.

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La Espírita Santa

Pogüerful

Ver también   Sinopsis y Notas de Dirección

Traduction française en cours
English translation soon

Pogüerful es una obra concebida y escrita por Bibiana Monje,
adaptación dramatúrgica y puesta en escena con Enrique Pardo.
Se presentaron dos pre-estrenos en Las Palmas de Gran Canarias
el 12 y 13 de abril de 2019 donde se vislumbró por primeara vez a
La Espírita Santa.
Es la segunda colaboración entre ellos – la segunda folie à deux :
locura a dos. La primera se titulaba LACURA.

Pogüerful : https://www.bibianamonje.com/pogueerful
Artículo sobre LACURA, Emotional Pornography (en inglés)

Hay, en Pogüerful, una figura que llamamos La Polaca, actuada por Lucía Camo, y que viene a ser La Espírita Santa de la obra. Guapa, rubia, flaca, alta (sobre todo con los patines puestos), con pinta sexy de guaripolera, de tipo dominatrix implacable, y que lleva como máscara una regadera de aluminio que le da aires de angel-rinócero diabólico. Una guaripolera es a una chica bonita que lidera los desfiles pseudo-militares de chicas bonitas, haciendo malabares con un bastón de guerra: el warpole – de ahí, guaripola, la bastonera.

Lucia CAMO    La Espírita Santa

Guaripoleras

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Tema & Meta – El Anagrama Pogüerful

Pogüerful

  1.   Sinopsis
  2.   Notas de Dirección
  3.   Notas después del Pre-EstrEno
Pogüerful es una obra concebida y escrita por Bibiana Monje,
adaptación dramatúrgica y puesta en escena con Enrique Pardo.
Se presentaron dos pre-estrenos en Las Palmas de Gran Canarias
el 12 y 13 de abril de 2019. Es la segunda colaboración entre
ellos – la segunda folie à deux: locura a dos. La primera se
titulaba LACURA.
Pogüerful : https://www.bibianamonje.com/pogueerful

Artículo sobre LACURA, Emotional Pornography (en inglés)

1 – Sinopsis

Sinopsis de Bibiana : « Tras el intento fallido de invocar las fuerzas sobrenaturales en un patio de butacas, una joven autora con ansias esotéricas, consigue parar el tiempo y abrir, por error, una brecha en la realidad, dejando escapar la absurda consciencia del equipo y los espectadores.  Resultado: ‘Magia potagia’ »

Sinopsis de Enrique :  « ¿Que es lo que pasó en Guatemala? El hecho es que, con sus antecedentes familiares en Canarias, pero también en California (el abuelo Castañeda, autor del Don Juan del Peyote, y su padre, el aventurero y mala bestia, Indiana Jones), Lire la suite

Done Elvire / Dom Juan

Compte-rendu et réflexions sur une scène de Laboratoire
autour d’un extrait du Dom Juan de Molière.
Dimanche 24 février 2019
Laboratoire de Théâtre Chorégraphique
direction Enrique Pardo

S’il y a bien une cerise sur le gâteau dans les montages des laboratoires de théâtre chorégraphique, c’est l’inclusion du travail de texte – du travail de performance avec texte : il s’agit de parler un texte, de le faire parler, de le laisser parler, de le dire et de le contredire, de le citer et de le réciter, de lui donner voix, de le laisser trouver sa propre voix (sa voie), d’entendre ce qu’il a à dire, de lui donner la parole, de détecter sa diction et de réveiller ses contre-dictions. Et faire tout cela hic et nunc : ici et maintenant, c’est-à-dire dans un contexte donné, trouvé, en improvisation dans la réalité du moment, dans l’esprit et avec le génie du lieu. « Si tu trouves ta place, tu trouves ta voix », maxime fondamentale du travail, devient ici : « Si tu trouves ta place, tu trouveras quelle voix ‘prêter’ au texte, et comment ‘placer’ cette voix ». Lire la suite

Angélica, Atroz, Indispensable

Traduction française pdf - article  sur le spectacle d'Angélica Liddell
The Scarlet Letter, à partir du roman de Hawthorne. 

English translation, in the making - on Angelica Liddell's performance
of Hawthorne's The Scarlet Letter

Reflexiones críticas entorno al espectáculo The Scarlet Letter, de Angélica Liddell, Théâtre de la Colline, París, enero de 2019, basado en el libro de Nathaniel Hawthorne, y asociaciones críticas con obras recientes de Romeo Castellucci, entre las cuales Le Voile Noir du Pasteur, 2011, basada en el mismo libro de Hawthorne, La Letra Escarlata.

ETIMOLOGIA

Tengo un diccionario etimológico favorito; es chileno, y esto es lo que dice sobre el adjetivo atroz:   « El adjetivo atroz, viene del latín atrox, atrocis, con el mismo significado. Pero atrox es un derivado de otro adjetivo, ater, atra, atrum, que en realidad designa simplemente el color negro mate (frente a niger, nigra, nigrum, que es negro brillante). Pero ater se asoció al color del humo negro (que frente al humo blanco de hogueras habituales acompaña a las quemas destructivas de diferentes productos que no son la paja o la madera, y de productos orgánicos, como cadáveres incluso), a la tiniebla sin luz y a toda forma de negrura sombría, y es por eso que acaba asociado a lo funesto, luctuoso, sombrío, terrible y anunciador de posibles males.
Atroz es un adjetivo con sufijo de fuerte tendencia (-oz), de modo que es un intensivo, de ahí su sentido de especialmente terrible, funesto, horripilante, y cruel incluso hasta lo inhumano. »

Sí, encontré el espectáculo de Angélica Liddell atroz pero en acuerdo con esta etimología. Lire la suite

Jung, Kingsley, Faulkner

rb nautis

Le Libre Rouge, Nautis, dessin de C.G.Jung

Carl Gustav Jung (1875 – 1961) est mentionné en premier dans le titre de cet article, par respect. Faulkner (1897 – 1962, un peu plus jeune), en dernier ; mais il serait « le premier grand romancier de l’inconscient ». Peter Kingsley, entre les deux : il vient de publier un nouveau livre (en deux volumes) intitulé : Catafalque : Carl Jung and the End of Humanity (Catafalque : Carl Jung et la Fin de l’Humanité). Les titres des livres de Kingsley sont en général de belles provocations, comme l’est aussi le ton qu’il adopte souvent dans ses écrits. Les universitaires peuvent être mesquins et compétitifs dans leurs critiques, mais qu’est-ce que Kingsley leur facilite la tâche ! D’un point de vue artistique, le mien, en marge des obligations académiques, mais allant souvent piller les travaux des universitaires, les provocations de Kingsley sont des appels d’air frais. Après tout, provoquer, c’est, étymologiquement pro voce : faire ressortir des voix, susciter l’inspiration, la pensée. Le respect dû à Jung est une autre affaire, que je dépose comme une gerbe de fleurs sur le pont-levis de sa tour médiévale à Bollingen, au bord du lac de Zurich. (Le pont-levis est une figure de l’esprit, bien sûr.) Lire la suite

Luxury Travelling – Inside the Wild Heart

A review of Inside the Wild Heart, an immersive performance
directed by Linda Wise, based on the life and work of
Clarice Lispector (1920, Ukraine - 1977, Rio de Janeiro), Brasil’s most renowned woman-writer.
It opened on October 19 2018 in New York and is being
presented in a state of the art STREAMING version,
NOV 27th to DEC 20th 2020
BOOKING & INFORMATION NOT TO BE MISSED

The project was conceived and produced by Andressa Furletti and Debora Ballardini – directors of Group.BR, a Brazilian theatre company based in New York. Both are militant admirers of Clarice Lispector, and chose an array of texts from her collected works. They also envisioned the performance project as “immersive”, and chose the location. And, very important, both wanted to act in the piece, among a cast of twelve or so performers. This is obviously a complex equation and, I must say from the outset, having seen it three times, a great artistic and team achievement, a total success if only on those counts, and I hope lots of people get to see it since it is likely to be a unique experience. Lire la suite

The Theatre of Sexuality

Madrid, Beauty, Darwin, Trump and #MeToo

Mentions : Richard Maxwell, Sean Lewis, 
Pirandello, Linda Wise, Bibiana Monje.

The Theatre of Sexuality is a title I have often used in the last years, covering a topic I consider fundamental: how theatre can comment on what we humans have done with sexuality and with the mechanisms of reproduction. I am currently studying Richard O. Prum’s book, The Evolution of Beauty: How Darwin’s Forgotten Theory of Mate Choice Shapes the Animal World – and Us. It relativizes, at long last, the neo-darwinian iron-hold on so-called natural selection, Darwin’s first theory of evolution. I hope soon to write a review of the book from the point of view of The Theatre of Sexuality (and LUCK). Lire la suite

Qui es la plus belle?

Travers

Spectacle crée le 27 juillet 2018 à Malérargues, Centre Roy Hart, Gard.
Création, Interprétation : Yane Mareine
Mise en scène : Daniela García
Dramaturgie : Yane Mareine et Daniela García
Arrangements musicaux et piano : Saso Vollmaier
Percussions : Christiane Cobral
Cet article est une critique contextualisée : elle fait référence
à Yane Mareine que j’ai rencontré dans un contexte polémique:
la formation de professeurs Roy Hart. Et à Daniela García, connue
auparavant sous le nom de Daniela Molina, proche collaboratrice
que j’ai eu le plaisir de diriger dans trois spectacles écrits par elle:
L'Autri-chienne, Animitas, et La Boîte Noire. Site Web

Qui est la plus belle ? La plus belle appartient à Yane Mareine : sienne est, sans conteste pour moi, la plus belle voix que j’aie entendue à la Magnanerie, la salle de spectacles du Centre Roy Hart dans le Sud de la France. Et le lieu en impose : c’est en quelque sorte l’un des grands temples internationaux de la voix. J’y ai entendu des centaines de voix, et, qui plus est, ma compagne et collaboratrice, Linda Wise, a fait sa spécialité de l’Art de l’Interprétation : les concerts avec ses collaborateurs et élèves sont du plus haut niveau de performance vocale, « chantée ». Il va falloir, bien sûr, « s’entendre » (comme l’on dit si bien en français), sur ce que j’entends par « belle voix », et pourquoi celle de Yane Mareine, dans ce spectacle du 27 juillet 2018, était la plus belle. Cet article est un essai critique sur cette voix et sur sa mise en scène . Note : c’est la marâtre de Blanche Neige qui pose la question à son miroir magique : « … dis-moi : qui est la plus belle ? »

La Beauté a un statut ambivalent dans l’héritage de Roy Hart (décédé en 1975, il faut le rappeler). Lire la suite

Nekyia, on the road to Preston.

Footnotes and links will be added soon
Traduction Française
Traducción al Español

This article shares a series of reflections on my stand and outlook today in relationship to performance and theatre. It is offered as preparatory notes, to Amy Rome, professor at University of Central Lancashire (UCLan) and organizer of the coming Symposium titled Transdisciplinary Explorations into Performativity, as well as to Jane Turner, Principal Lecturer of Contemporary Arts at Manchester Metropolitan University, and guest lecturer at the Symposium. The Symposium follows my being awarded an Honorary Fellowship by the University of Central Lancashire.

UCLan SYMPOSIUM
July 17 to 20, 2018
The Media Factory
University of Central Lancashire. Preston UK
PRESENTATION & REGISTRATION
Pantheatre’s Myth and Theatre Festival
June 19 to July 1st, 2018
Roy Hart Centre, Southern France
PRESENTATION & REGISTRATION

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Le Grimoire de Hamlet

Hamlet’s Grimoire  (Book of Magic Spells)
English translation in the making

A l’occasion de Hamlet Unlimited, de Yves-Noël Genod,
créé le 13 mars 2018 au Théâtre de Vanves
dans le cadre du Festival Artdanthé.
Article incluant des rèflexions sur le Hamlet de
Romeo Castellucci, et Hamlet House, de Sean Lewis
Article publié aussi sur le site Ars Magica - Magie et Sciences Humaines
« On apprend ainsi que grammaire, glamour, grimoire
 et graffiti sont des greffons de greffe. » Source

Hamlet. Nous sommes dans les brumes hivernales de la côte danoise : la Mer du Nord par une nuit de froid glacial, avec, dans l’air, des rumeurs d’un possible débarquement ennemi, venu de Norvège. Il doit être entre trois et quatre heures du matin, et il est normal que les vigies s’assoupissent sur les redoutes du château fort. J’ai noté que mon voisin succombait. Moi aussi. On était trop bien assis dans la nuit de ce grand hangar noir, plutôt délabré, et très faiblement éclairé : juste une rangée de néons glauques, un minimum sécuritaire. Une dizaine de tables de type gymnase ou de réfectoire d’école, blanches et moches pour tout décor. Et l’inévitable machine à fumée, discrète et ici, juste. Puis des fantômes commencent à apparaître, et notamment le fantôme du père de Hamlet. Il déambule, paumé, sans rien dire. Aucun effet dramatique pour ce grand, énorme drame baroque de Shakespeare[1]. Lire la suite

Cœur Sauvage / Voix Sauvage

See English original
Traduit de l’anglais
remerciements à Véronique Taconet et Pierre Jeammes.

Réflexions critiques à propos d’une performance de Waltrud Höfinger,
intitulée: Not a Song (Non pas une Chanson) –
une performance personnelle, poétique et musicale sur la voix,
présentée à Malérargues, Centre Roy Hart, en août 2017.

Le titre de cet article est inspiré d’un livre de l’écrivain brésilienne Clarice Lispector, intitulé Near to the Wild Heart (1943), Près du Cœur Sauvage. Linda Wise, compagne, metteur en scène, actrice et professeur, l’étudie pour un projet de spectacle. Elle l’a décrit comme «le livre le plus sauvagement introverti qu’elle ait jamais rencontré».

Nota : le mot « sauvage » en français peut se traduire en anglais par deux mots : savage qui est trop « sauvage » justement, voire cruel, brutal, sans-manières, et par wild (le mot dans l’original anglais), qui est moins agressif et se réfère à un état de nature sauvage, non civilisée, non domestiquée – libre, en ce sens.

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Wild Heart / Wild Voice

Comments and reflections after a performance by Waltrud Höfinger titled: Not a Song, A personal, poetical, musical performance about voice, performed at Malérargues, Roy Hart Centre, August 2017.
The title of the article is inspired by a book by Brazilian writer Clarice Lispector, titled Near to the Wild Heart (1943). Linda Wise, companion, theatre director, actress and teacher, who is studying it for a possible performance project, described it as “the most wildly introverted book she had ever come across”.

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Emotional Pornography and Democracy in America

Lacura, by Bibiana Monje
Democracy in America, by Romeo Castellucci

Enrique Pardo, Bilbao, April 2017

  LACURA : TRAILER | CRITICAS  
Traduccion al español pronto
Traduction française bientôt

This article follows-up on a first post on LACURA, the performance of and by Bibiana Monje presented in Madrid in November 2016 as an avant-première I described as a Miraculous Catastrophe  [1]. It was then premièred in Bibiana’s native Canaries Islands on March 17, 2017, this time ‘after the catastrophe’: the computers and multi-media effects behaved impeccably, plus, Linda Wise and I did some fine-tuning with Bibiana on some of the lessons learnt in Madrid on miracles and catastrophes. LACURA is turning into a big success, expanding beyond The Islands, as the locals call the Canaries, into La Peninsula – the Spanish mainland – and beyond. In this article I wish to focus on something that was picked up and commented by the critics, and which I consider essential to my sense and ambition of performance, something that one of the articles went as far as to put in terms of “emotional pornography”.

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N’importe quoi !

N’importe quoi !
Pour le meilleur et pour le pire.

DSF1Ci-dessous, deux articles écrits il y a quelques mois sous l’intitulé N’importe Quoi ! – et que je poste seulement maintenant, après avoir vu le nouveau spectacle de François Chaignaud et Cecilia Bengolea : DFS. Lorsque les lumières de la salle ont commencé à s’éteindre, j’ai murmuré à mon

DSF. Photo F Chignaud

DSF. Photo F Chignaud

voisin, l’acteur argentin Pablo Delgado : « ¡Ahora nos vamos a divertir! » (Maintenant on va bien s’amuser !) En fait, se divertir: dans divertir il y a déviation, détournement. Après une minute, comme prévu, j’ai commencé à rigoler ; les danseurs se mettaient à peine en place dans le noir. Mon autre voisine, Linda Wise, se tourne vers moi : « Tu commences vite ! » Oui. C’est rare que des spectacles me rafraichissent autant que les leurs! Dans DFS, ils le font avec une finesse délicieuse : de la danse flirt, parfois flirt-battle, exquise, comique, une sorte de naïf street-wise. (Difficile à traduire : à la mode, mais costaud et provocant, urbain – « idéologie de la rue ».) Cette fois c’était la rue jamaïquaine – mais avec des polyphonies a capella médiévales![1]

mimosa4Leur spectacle précédent, dont je parle à continuation, (M)IMOSA (un quatuor en fait), était, lui, beaucoup plus « hard » : du n’importe quoi adulte, voire SM. Dans DSF il y a un côté enfantin, même petit-rats d’opéra (hip hop en pointes !) L’innocence, voire le kitsch, n’entame en rien, au contraire, l’acuité et la lucidité des propos de François Chaignaud et Cecilia Bengolea, eux-mêmes sur scène et assez virtuoses, un peu grand frère et grande sœur, et même par moments papa et maman ! Ce qui me faisait rigoler vient aussi et incontestablement de la façon dont ils ont tout simplement contourné le désert dans lequel la danse contemporaine s’était enlisée: un rigorisme conceptuel et janséniste refusant toute sensualité, tout plaisir. Rien que de l’ironie acerbe. A terme c’est mauvais pour la santé. Lire la suite