Prolégomène à la Superstition

Ajournement du Festival 2020 Superstition
Prolégomène à 2021 (reprise d’une newsletter 04/2020)
Voir l'EDITORIAL SUPERSTITION pré-Covid19
Le Festival Mythe et Théâtre est reporté à 2021 – fin juin, début juillet. À nous tous de prendre le temps qu’il faut, de soin et, si besoin, de confinement, pour affronter et contrer la PAN-démie du coronavirus – en souhaitant que Pan ne nous fasse plus des coups de ce genre… J’ai commencé déjà à lui demander son avis – oh, humblement, car c’est bien nous, les humains, qui sommes fautifs. Deux documents en ce sens:
  1. Une vidéo- performance, et  un article sur ce blog : « Panique et Asombro ».
  2. Un cycle de conférences online fin juillet et août sur le dieu Pan.
Les présages de l’après Covid19 sont encore incertains. Il nous a bien fallu reporter le festival 2020 à 2021 – non sans regrets – mais en vous conviant aussi, et résolument, à considérer ce report comme une prolongation, un prolégomène : oui, il nous donne une année supplémentaire pour préparer ce qui s’avère être le thème le plus ardu à ce jour en termes de ce qu’il faut bien appeler, si l’on implique Pan, une pensée anthropologique mythologique, artistique et virale…

 
Pendant les étapes qui nous attendent, nous pourrons reprendre et élargir les réflexions sur la superstition. Je partage ici le livre qui a été mon compagnon de pensée lors du confinement. Il s’agit d’un livre (en italien), édité par deux amis, analystes jungiens, Riccardo Mondo et Luigi Turinese, et intitulé : Caro Hillman (Cher Hillman) – 2004. Il réunit 25 courts articles rédigés par d’éminents analystes jungiens italiens, chacun comportant une question adressée à James Hillman, qui leur répond en quelques paragraphes, avec brio et en allant droit au but. Les questions sont complexes, pour la plupart amicales, certaines réservées, toutes avec un fort point d’interrogation. Un des articles est farouchement antagoniste.
 
Je n’aborderai ici que les liens que je fais entre ce livre et la superstition. Les contributions au livre sont offertes d’un point de vue psychothérapeutique et utilisent des référents cliniques. Un point intéressant : les nombreuses références au Puer Aeternus, l’archétype de l’enfant éternel, présenté comme compliment à l’éloquence et à la perspicacité de Hillman, lorsque, bien évidemment, cette figure est considérée de manière positive. Lorsqu’elle est négative, l’implication est que Hillman était un grand rhétoricien mythopoïétique, mais qu’il n’était ni scientifiquement ni cliniquement méthodique ou même responsable.
 
Ces accusations sont apparues dans les années 1960, lorsque Hillman fut nommé le premier directeur d’études de l’Institut C.G. Jung de Zurich. Il démissionna en 1969. Plus tard, au début des années 80, lorsque nous avons commencé à correspondre, il y avait clairement une « sympathie » très animée entre lui et le jeune artiste que j’étais : ses idées, je le lui ai écrit à l’époque, me semblaient essentielles à la pensée artistique contemporaine, en particulier le statut qu’il donnait à l’image, à l’imagination, aux rêves et à la narration. En 1964, il a donné sa première grande conférence aux prestigieuses rencontres d’Eranos, à Ascona, en Suisse, intitulée On Psychological Creativity. Il mettait l’accent sur la nature artistique de la psychanalyse et sur the poetic basis of mind (le fondement poétique de l’esprit-pensée), et mettait en garde contre une domination unilatérale du senex dans l’analyse, en base à des modèles scientifiques et cliniques.
 
Il devrait être clair qu’en me tournant vers une réhabilitation de la superstition en tant que vision et méthode de performance artistique je m’inscris dans la lignée de James Hillman. Je fais écho, en particulier, à ses propositions « sur la créativité psychologique », que je considère comme le fondement (ou du moins la première priorité) de l’engagement performatique, et généralement de l’entreprise artistique.
 
Comme mentionné dans l’ÉDITORIAL (pré-coronavirus), la superstition (re)ouvre et aiguise la perception et les schémas d’inspiration ; elle stimule et renouvelle les motifs, les modes et les moteurs du jeu d’acteur et du passage à l’acte, elle enhardit le risque, mais avive aussi la précaution et l’inclusion. Nous devons donc élaborer de nouvelles définitions ou les mettre à jour.
 
Pour clore cette annonce-prolégomène, une équation complexe du philosophe allemand Markus Gabriel : « Quand allons-nous enfin comprendre que, par rapport à notre superstition selon laquelle les problèmes contemporains peuvent être résolus par la science et la technologie, le très dangereux coronavirus est inoffensif ? » (Article dans El País, intitulé : L’ordre mondial avant le virus était mortel. C’est moi qui souligne.)
 
Voici mon point de vue sur la « superstition » de Gabriel : les artistes ont un rôle crucial à jouer dans la recherche et l’application de formes alternatives de connaissance et de spiritualité – et c’est là que j’en appelle à la superstition, en tant qu’outil, méthode, attitude, connaissance, vers une créativité performative radicale et, à l’instar de la position générale de Gabriel, résolument avant-gardiste, sur le plan éthique et politique. Sur un horizon élargi, anthropologique, la superstition reste, pour lui, tout de même négative. En ce moment, c’est sûr, nous avons besoin de tout ce que la science et la technologie peuvent nous donner, et vite.
 
Prolégomènes – Notes vers juin 2021.
 
1. Le titre de notre festival réunit Mythe et Théâtre que l’on peut concevoir comme théorie et pratique. Les préparatifs pour 2021 comprendront des conférences et des interviews en ligne, ainsi que des travaux de laboratoire en direct ou en archives, avec des analyses critiques.
 
2. Je commenterai également des performances, en commençant par deux récentes, de l’artiste suisse Julia Perazzini et du danseur brésilien Volmir Cordeiro – et je continuerai à reformuler pourquoi la superstition m’offre, aujourd’hui, la weltanschauung (vision du monde) la plus avisée pour une appréciation critique de la « créativité psychologique ».
 
3. La prochaine saison parisienne devrait commencer en octobre, avec des cours réguliers et deux ateliers professionnels – ainsi qu’un programme international de séminaires vidéo et de master classes.

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